Une nouvelle année dans la vallée du Derbous : 2023

Un canal d’arrivée plein d’eau courante


Ces dernières années ont été riches en évènements préoccupants comme la pandémie de COVID (dont on semble enfin en passe de tourner la page), la guerre en Ukraine (dont on ne voit pas encore comment elle va durer et quelles seront ses répercussions), des réformes imposées (telle la réforme des retraites). Tout ceci sur fond d’inquiétude climatique crédible (réchauffement, canicule…).

La vallée du Derbous n’est pas sur une autre planète. Elle est sujette aux mêmes problèmes que les autres lieux. Mais elle est loin des centres de décision, a une population clairsemée encore proche de la nature et les échos du monde y parviennent un peu assourdis.

Cette année, le printemps a été pluvieux et, contrairement à ce qui se passe dans d’autres régions, la nappe phréatique semble bien se porter si on en juge par le débit de la rivière. Mais cette impression peut être trompeuse, car le débit de cette rivière fluctue sans que les causes de modification de débit soient connues.

Les décisions des humains ont des effets à long terme. Un exemple local est celui des truites. Autrefois, il y en avait une relative abondance, d’une espèce endémique bien adaptée au milieu, appelée ici fario.

Il y a quelques décennies, suite à une baisse des prises, il a été décidé d’introduire une espèce jusqu’ici inconnue dans la vallée : la truite arc-en-ciel, joli poisson vorace.

Mais il a fallu admettre que, ces truites ne se reproduisant pas bien dans les conditions environnementales qui sont les nôtres, cette pratique était à proscrire. Actuellement, il y a un déficit de truites dans le Derbous.

Comment inverser la tendance ? On peut espérer que, si la pêche reste modeste, si l’on n’introduit plus de farios et si le nombre de prédateurs (hérons…) décroît (ce qui semble être le cas), la faune se régénère. Il convient d’être optimistes et patients.

Il serait en tout cas bon d’en revenir, si c’est encore possible, à des situations de régulation locales traditionnelles. On sait, en particulier depuis les travaux de la lauréate du prix Nobel d’économie 2008 Elinor Ostrom (tout particulièrement pour la gestion de l’eau), qu’elles sont plus efficaces que les solutions visant l’optimisation à court terme imposées par des experts ne prenant pas toujours en compte l’ensemble du système.

Il est vrai que ces solutions durables nécessitent que fonctionnent des communautés collectivement intéressées à la bonne gestion de la ressource et connaissant bien le milieu pour y avoir grandi et avoir recueilli l’expérience et les savoir-faire de ceux qui les ont précédées.

Dans la vallée du Derbous, comme ailleurs, la communauté paysanne qui autrefois prenait soin de l’irrigation des cultures n’existe presque plus. Certes, il y a encore des producteurs mais ils sont pour la plupart quasi industrialisés, gérant de grands domaines, les seuls économiquement viables désormais en suivant des méthodes « rationnelles » prônées notamment par les institutions européennes.

Il existe cependant des raisons d’espérer : le bio a bonne presse, il constitue un marché et il séduit certains, d’autant que la population, en particulier l’été, est sensible à cet argument. Une de ses dimensions est celle de la gestion raisonnée de l’eau.

Il serait naïf de penser que les tendances à l’œuvre depuis des décennies vont s’inverser brusquement. Mais il est souhaitable d’espérer.

Références

Ostrom, E., & Basurto, X. (2013). Façonner des outils d’analyse pour étudier le changement institutionnel. Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs14http://regulation.revues.org/10437

Pluie et beau temps dans la vallée au temps du COVID…

L’année 2021 restera sans doute associée dans les mémoires, comme l’année précédente, aux vagues successives de la pandémie de COVID 19, aux mesures sanitaires et restrictions de liberté qui les ont accompagnées (couvre-feu, interdiction de voyager au-delà de 10km, port du masque…), mais aussi développement rapide de vaccins fondés sur de nouvelles techniques de génie génétique et espoirs, malheureusement éphémères, de sortie rapide de la crise. La situation, cependant, a été assez différente en ville et à la campagne.


Dans la vallée du Derbous, lieu d’habitat peu dense aux maisons intégrées dans la nature, le cours de la vie en 2021 a été peu différent de ce qu’il est habituellement. Lors de leurs rencontres, par exemple au marché, les habitants ont parlé du COVID mais aussi de la pluie et du beau temps…


L’hiver a été maussade, mais sans froid excessif. Il a beaucoup plu en février, le mois de mars a été clément, mais le gel est venu en avril, compromettant certaines récoltes. Depuis, les températures habituelles sont revenues, la rivière a de l’eau. Tout est vert.

Des loups rôdent toujours, mais il n’y a pas eu cette année d’attaque de troupeau. Les castors, insensibles aux occupations humaines, ont poursuivi leur œuvre de constructeurs aux dépens des habitants.

Côté humain, les choses suivent leur cours. Les touristes sont même revenus, il y a toujours autant de gites ou chambres d’hôtes. Ils sont parfois peu attentifs à la vie rurale et à l’environnement, mais on ne peut trop leur en demander. La nature, de toutes les manières, continue à être relativement préservée. La circulation automobile est normale, toujours limitée à 80 km/h.

Un point d’attention peut cependant être relevé. Des menaces planent sur un des accomplissements humains les plus anciens et les plus utiles, qui a joué un rôle fondamental dans les sociétés humaines : la canalisation de l’eau, que ce soit pour l’irrigation des champs ou pour l’alimentation des nombreux moulins.
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Modeste canal

Outre les canaux qui faisaient tourner ces derniers , le pays est littéralement quadrillé de canaux autrefois entretenus par les paysans qui, moyennant des redevances modiques, avaient des droits d’irrigation par simple gravité faisant l’objet d’un consensus entre eux. Avec la conversion de propriétés agricoles en terrains à bâtir et l’apparition de pompes mécaniques, la situation a changé.

Les systèmes traditionnels sont en déshérence et l’on se demande quelles en seront les conséquences sur la régulation que peuvent exercer les humains sur leur environnement.

Bref, la vallée du Derbous, sans être préservée des malédictions coutumières frappant le monde, continue une existence détendue quoique légèrement inquiète relativement aux évolutions à venir.

La vallée du Derbous au fil du confinement

L’année 2020 n’aura pas été comme les autres, c’est sûr ! Le confinement dans le monde rural au temps de la pandémie de Covid-19 n’a pas la même saveur qu’en ville : il y a de l’espace et on peut se déplacer mieux que dans un appartement.

Bien sûr, il faut aller en ville de temps en temps, ne serait-ce que pour se réapprovisionner. Mais la petite ville n’est pas comme la grande : on se connaît à peu près tous. Il y a eu jusqu’ici très peu de cas locaux de contamination. La situation n’est pas comme dans ces cités anonymes où l’on tend à se méfier des autres, vis-à-vis desquels on n’a pas de lien personnel.

En juillet, des touristes sont revenus et il y a eu une certaine animation dans les rues. Jusqu’au 20, date de l’obligation édictée de porter un masque dans les lieux publics fermés, l’ambiance était bon enfant dans les magasins. Ce sont surtout les personnes d’un certain âge qui portaient le masque, sauf dans les grands magasins qui étaient plus stricts. Tout ceci va bien évidemment changer rapidement, car l’amende pour défaut de port de masque est salée.

La nature, par ailleurs, est toujours là, indifférente à ces histoires de virus qui attaquent les humains. Dans la vallée, à peu près désertée par ces derniers, les animaux se sont enhardis, ils ont pris leur aise, empruntant les voies laissées libres, venant à l’occasion près des maisons.

Les sangliers, en particulier, viennent de temps en temps ravager les jardins, on en a même vu des hardes… Cela fait des années qu’ils représentent un problème, dont on ne voit pas très bien la fin : à chaque saison de chasse, des prélèvements sont organisés, cela limite les nuisances.

C’est pareil pour les loups. On dit qu’il y en aurait plusieurs meutes dans le Ventoux. Mais on les voit peu dans la vallée, tant qu’il y a des troupeaux de moutons dans la montagne.

Les castors, pour leur part, sont toujours la même calamité pour les propriétaires de canaux ou de berges de la rivière. Leur énergie constructive est débordante. Ils sont capables de modifier sensiblement l’environnement, abattant des arbres, déviant les eaux et créant des marais. Il n’est pas certain qu’ils sachent qu’ils sont protégés, mais ils ne craignent pas l’homme.

Ici photo de dégâts de castors

Un exemple de barrage, avec la retenue d’eau en amont

Enfin, des animaux plus sympathiques pour l’espèce humaine semblent bien se porter : on peut croiser des chevreuils et il y a même eu une réapparition constatée de la salamandre.

Une salamandre commune, près du canal d’un moulin

Une salamandre

Finalement, la vie de la nature se poursuit. L’espèce humaine y joue sa partition. Mais, si elle peut lancer de nouvelles dynamiques, ces dernières ne révèlent leurs effets que bien après et il est alors impossible de les modifier rapidement : les temps de la nature ne sont pas ceux des humains.

Comment dès lors réagir face aux problèmes écologiques, alors qu’on opère dans un contexte d’incertitude et, même, de controverses ?

80 km / heure : deux réflexions croisées

Deux témoignages à propos de limitation de vitesse sur les routes secondaires

Parmi les mesures gouvernementales qui suscitent des réactions passionnées, la limitation de vitesse à 80 km/h est en bonne place. Les études statistiques montrent bien que la vitesse est corrélée avec le nombre d’accidents graves. Mais cela ne veut bien sûr pas dire qu’elle en est la cause unique : on est devant des phénomènes plurifactoriels, il s’agit de liens statistiques.

La mesure impacte spécialement les personnes habitant dans des zones rurales, où les services sont peu denses, où il n’y a pas de routes avec séparateur central, où la voiture est une nécessité impérieuse et où la plupart des conducteurs connaissent très bien des trajets qu’ils font très souvent. Réduire la vitesse maximale de manière uniforme n’est-ce pas un peu brutal ?

Nous contribuons ici au débat par deux réactions d’usagers aux profils contrastés. L’une provient de citadins revenant « au pays » en été et l’autre d’une personne vivant à l’année dans une zone montagneuse enclavée.

Des parisiens de retour “au pays”

Il se trouve que notre nouvelle voiture a un limiteur de vitesse  ; comme cela, pas de problème en principe pour respecter la limitation (curieuse impression d’ailleurs au début quand on veut accélérer et que cela ne répond pas…). En pratique, c’est plus compliqué : la signalisation change souvent : 80, 70, 50, voire 30 dans de nombreuses agglomérations, avec ces redoutables dos d’âne barrant la chaussée.

Nous sommes en zone pré-montagneuse et avec l’intense circulation d’été, on ne peut absolument pas rouler vite. Déjà, 60 km/h peut être dangereux, en particulier quand la route tourne beaucoup, car on ne peut pas croiser facilement un camion. De plus, en cette période estivale, il y a beaucoup de vélos et il faut faire encore plus attention.

On a aussi eu l’expérience de voyages à Avignon, où il y a désormais des portions de route à 4 voies, et où la limitation est plus élevée. Finalement, il faut donc avouer qu’on ne voit pas tellement de différence par rapport à avant.

Des habitants vivant à l’année

Leur maison est dans une vallée isolée, loin de tout ; les médecins et le pharmacien sont à une dizaine de km ; en cas d’examens de santé il faut faire au moins 20 km pour les plus simples voire une cinquantaine.

Voici ce qui est arrivé récemment. On a dû aller à Cavaillon, à 73 Km . Le temps de trajet était il y a quelques années de 1h. Il faut aujourd’hui en général 1h 15 (55 km/h de moyenne). Mais il y a de grandes variations : la dernière fois, le temps de trajet a été de 2h 35, soit une moyenne de l’ordre de 22 km/h.… Rendez-vous raté, ce qui n’est pas anodin.

Pourquoi ? Les automobilistes ont peur du PV. Ils roulent donc entre 65 et 70 km/h . Vu les courts intervalles où il est matériellement possible de dépasser, on ne peut le faire en respectant les 80 km/h, la seule solution est de suivre ou sinon de se trouver en infraction : les voitures s’empilent les unes derrière les autres et, au moindre obstacle, c’est le bouchon.

Ces inconvénients dans les déplacements sont monnaie courante. Ce qu’ils représentent en perte de temps et en fatigue est difficilement concevable pour des urbains. D’après nous, ce n’est pas la vitesse qui génère des accidents. C’est l’alcool, le cannabis, le réseau dans un état déplorable et surtout le fait que certains conducteurs ne savent pas conduire. Il arrive par exemple assez régulièrement qu’on en rencontre qui coupent dangereusement les virages…

Discussion

Si rouler en milieu rural est un plaisir pour des vacanciers sensibles à la beauté du paysage et ayant du temps, c’est souvent une épreuve pour les habitants. Ils ont une connaissance fine du parcours, de la dangerosité de certains passages. Mais leurs agendas sont contraints et incertains, car les déplacements consomment beaucoup de leur temps, d’autant que la plupart des routes de campagnes n’ont pas été reprofilées depuis les années 1950.

Si les limitations de vitesse sont une nécessité facile à comprendre, le principe de précaution, qui conduit à une limitation faible et uniforme, pénalise surtout les conducteurs sérieux et prudents effectuant des déplacements obligés et malcommodes…

Il sera intéressant de voir l’évaluation qui sera tirée de cette “expérience” décidée au plus haut niveau de l’Etat.

Référence

Article de synthèse de Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Vitesse_maximale_autorisée_sur_route_en_France.

Observatoire national interministériel de la sécurité routière. (2018). Accidentalité sur les routes bidirectionnelles hors agglomération. Enjeux relatifs au réseau  principal (p. 24). Consulté à l’adresse http://www.securite-routiere.gouv.fr/content/download/38000/362252/version/1/file/ONISR_Avril+2018_Accidentalit%C3%A9+routes+bidi+hors+agglo-R%C3%A9seau+principal.pdf.
Rallu, J.-L. (1990). Conduite automobile et accidents de la route. Population, 45(1), 27‑62. https://doi.org/10.2307/1533259.

Un demi-siècle dans la vallée du Derbous. Entretien avec une habitante de la vallée

La synthèse qui suit est liée à un entretien mené avec une interlocutrice implantée dans le Derbous depuis sa naissance. Elle y vit à l’année, dans une vieille maison héritée de ses ancêtres. Elle nous livre ici des réflexions sur ce qui a changé dans dans la vallée depuis un demi-siècle environ.

Réchauffement climatique et changement social

Indéniablement, bien des choses se sont passées. D’abord, les évènements liés aux saisons ont changé. Dans le passé, il y avait ainsi des évènements récurrents : des orages en mai, de la pluie à la Sainte Madeleine, en juillet, des orages pour la Saint Laurent, en août. Les hivers commençaient plus tôt. Il y avait ainsi, à Plaisians, des gelées blanches en octobre.

Par contraste, cette année 2020, il a gelé en décembre, en janvier, en avril, mais peu. En revanche, les printemps sont devenus beaucoup plus chauds, dès mars et il y a une tendance à la disparition des inter-saisons. Cela a impacté les cultures.

D’abord, quand les nuits sont chaudes, il y a moins de rosée. Ensuite, le système d’irrigation a beaucoup changé. Auparavant, il y avait un système d’irrigation sophistiqué, par gravité, avec un réseau de canaux où chaque paysan pouvait prélever, à certains moments, de l’eau : une gestion commune de la ressource.

Maintenant, on privilégie le goutte à goutte, en pompant dans les rivières, sur une base individuelle. Le nombre de cultivateurs a lourdement chuté depuis la seconde guerre mondiale et les propriétés se sont étendues et comme industrialisées. Pour autant le nombre d’habitants n’a pas diminué dans la vallée ; les habitants travaillent en ville, parfois très loin (après tout, avec le TGV, on peut être rapidement à Marseille et même à Paris). Certains font aussi du télétravail. Internet a beaucoup changé la situation. Si on n’a pas encore la fibre dans les habitations (pourtant elle a été installée le long des routes il y a quelques années), la connectivité 4G a progressé et les débits sont acceptables.

Par ailleurs, la circulation automobile a explosé : sur la route du col de Fontaube, on avait au plus deux voitures par jour et quelques rares camions de marchandise. Maintenant, on a des passages fréquents liés au développement du tourisme et à celui de la consommation.

Pour les habitants, posséder un véhicule automobile n’est pas une option : il le faut ne serait-ce que pour aller faire des courses alimentaires et aussi pour les soins médicaux (les médecins ne se déplacent plus) ou pour tout autre besoin lié à la santé (analyses, examens, soins dentaires, hôpitaux…). Le prochain bourg doté de magasins et de services à la personne (Buis les Baronnies) n’est pas commodément accessible à pied. Il n’y a d’ailleurs plus de laboratoire d’analyse médicale depuis quelques années.

On remarque un accroissement du nombre de touristes, comme le montre l’extension des gîtes ruraux et des chambres d’hôte, ainsi qu’un nombre croissant de vélos électriques, qui permettent maintenant à davantage de personnes d’accéder à des endroits autrefois isolés, ce qui n’est pas sans effet sur la nature.

Des changements notables dans la flore et la faune

Beaucoup de changements sont intervenus. Par exemple, si les oliviers restent bien implantés, on ne trouve pratiquement plus de vignes, autrefois abondantes. Elles ont été remplacées par des arbres fruitiers : cerisiers, abricotiers, pêchers…

S’agissant de faune, il n’y a presque plus de truites dans les cours d’eau. Autrefois, il y avait des truites communes, endémiques à la région. Des truites arc en ciel ont été introduites dans le passé, qui les ont contrariées et qui se reproduisent mal. La population a singulièrement diminué. On ne trouve plus d’écrevisses dans les rivières. Les lièvres et les perdrix ont pratiquement disparu, ce qui peut être lié à la prolifération des sangliers qui dévastent les cultures et détruisent les nids, voire les terriers.

En revanche, les castors ont pris beaucoup d’extension depuis les années 1980 . Ils font des trous dans les berges des cours d’eau et créent des marais (cf. article récent). On trouve aussi des rats d’eau, de la salamandre commune, voire des créatures comme le seps strié (Chalcides striatus), petit saurien ressemblant à un serpent avec des embryons de pattes avant.

Les loups, aussi, sont progressivement réapparus dans la région et on note également la présence d’oiseaux qu’on ne voyait pas avant, tels les « guêpiers », peut-être parce qu’ils sont réputés manger les guêpes,

Un ensemble sophistiqué de règlements et un avenir incertain

D’après notre interlocutrice, un changement important est celui de l’inflation de règlements. Si, dans le passé, on était devant une économie de subsistance avec des biens communs collectivement gérés par des personnes ancrées dans le terroir, qui se sentaient responsables du maintien du milieu, désormais, la plupart des initiatives sont encadrées par des règlements en tout genre, issus de différentes administrations (en particulier l’Europe), qui visent à encadrer strictement toutes les activités liées à la gestion du cadre de vie, sans pour autant réussir à assurer sa pérennité.

Loin du Derbous, le confinement dans la grande ville…

Nul ne peut nier que la situation vécue en ce printemps 2020 a partout un caractère exceptionnel ! Pour les citadins confinés dans des appartements relativement exigus, loin de la verte nature, il peut y avoir un peu de regret de ne pas être confiné dans le cadre sublime de la Drôme provençale. Après tout, l’espace est un bien précieux et la montagne est si belle…

Ceci dit, inutile de fantasmer, le confinement s’impose à tous et toutes et le relâchement des règles de « distanciation sociale » promet de ne pas être immédiat. Et puis, en réfléchissant, les douceurs d’un printemps provençal ont aussi quelques contreparties moins agréables.

Sans vouloir établir de comparaison terme à terme, on va maintenant donner un témoignage sur une grande ville (un quartier de Paris intra-muros). 

Des choses ont clairement changé. D’abord, le tumulte quotidien s’est atténué et l’on peut entendre maintenant chanter quelques oiseaux, l’air est moins pollué que d’habitude. Quand on sort pour les courses ou pour l’indispensable oxygénation quotidienne des neurones, on risque beaucoup moins de se faire écraser… 

Chose non vue depuis longtemps, la nature s’affirme, comme le montre la photo ci-dessus d’un bord de trottoir.

Pour les courses, les magasins d’alimentation, supermarchés ou commerces de proximité se sont adaptés, mais les queues pour entrer sont plutôt dissuasives. Les clients attendent sagement afin de respecter les distances réglementaires. Il faut avoir des stratégies de choix de jours et d’heures selon les magasins. 

Tous les restaurants, ici comme ailleurs, sont fermés au public, mais un nombre non négligeable sert cependant maintenantà domicile. On note ainsi, ici et là des concentrations de jeunes coursiers à moto ou à vélo qui assurent des livraisons à domicile.

Les rues sont moins animées que d’habitude mais des autobus continuent à les sillonner ; quand ils passent, ils sont rarement pleins. De temps en temps, une ambulance ou une voiture de police passe. Il y a quelques contrôles par des escouades de policiers, dans les lieux fréquentés. 

Des piétons circulent aussi. Ils sont de plusieurs types. Certains, équipés de sacs ou de caddies, vont chercher ou ramènent chez eux les indispensables provisions. D’autres, en tenue de jogging, ont souvent le smartphone réglementaire au bras et s’oxygènent. Certains accompagnent de jeunes enfants en trottinette ou en petit vélo, ou alors promènent des chiens.

On se croise entre piétons assez facilement et, bel exemple de négociation implicite, quand deux personnes arrivent face à face sur le trottoir, l’une traverse, ou marche un moment sur la chaussée, il n’y a de toutes les manières pas grand risque à agir ainsi.

Enfin, on préférerait ne pas avoir besoin d’y aller, mais les hôpitaux sont proches, le SAMU peut vous y amener dans un temps raisonnable si le besoin se manifestait. 

En tout cas, à 20 heures, on entend dans les rues et les cours les applaudissements bien mérités adressés aux soignants ainsi que des concerts de klaxons. Les soignantes et soignants, en effet, sont désormais reconnus pour le rôle essentiel qui est le leur. la question cependant est de savoir quand les pouvoirs publics vont leur témoigner une reconnaissance qui ne soit pas principalement symbolique mais inscrite dans les émoluments et les conditions de travail.

En somme, aux temps étranges du confinement, la vie continue partout où elle peut. Elle est, pour tout le monde,simplement plus limitée dans les possibilités pratiques qu’elle offre et plus contraignante pour les individus qui se languissent désormais des réunions de famille ou d’amis, des apéros non virtuels et de la liberté de mouvement.

Il reste heureusement l’espoir ; comme disent les Grecs, c’est de toutes façons ce qui meurt en dernier. L’espoir en particulier que des leçons de solidarité soient tirées de cette funeste période.

La vallée du Derbous au temps du confinement

Mars 2020

Il est peu de dire que la vallée du Derbous est isolée.  C’est un lieu paisible hormis pendant les périodes de vacances qui attirent nombre de touristes. l n’y a pas de grande agglomération proche, la densité de population est faible. Cependant, cette qualité de vie exceptionnelle se mérite notamment par l’obligation pratique de prendre la voiture pour aller faire des courses ou aller consulter un médecin.

L’urgence sanitaire ordonnant le confinement des populations a eu des effets différents de ce qu’ils peuvent être en ville où les familles ont peu d’espace.

D’un côté, c’est le bon côté si l’on peut dire, il est facile de sortir de sa maison sans enfreindre les règlements, de flâner (ou plus souvent de travailler) pour entretenir le terrain et cela est bon pour réguler la tension artérielle, faire baisser le stress. Par ailleurs, au moins jusqu’à l’arrivée récente de personnes fuyant les grandes villes, il n’y avait pas du tout de virus (du moins en apparence, car on ne peut jamais être certains).

Mais il y a aussi une face sombre. Pour faire ses courses on est bien obligés d’aller à Buis les Baronnies, où fonctionnent deux supermarchés, où se tient un marché deux fois par semaine et où on peut acheter du carburant. Les autres magasins, sauf bien sûr la pharmacie et le tabac-presse sont fermés.

Là comme ailleurs, l’approvisionnement dépend de la continuité. Durant quelques jours, certains produits ont disparu assez vite des rayons comme la farine, le lait ou les pâtes… 

Il y a pire : que faire si on tombe malade ? C’est déjà assez galère quand les conditions sanitaires sont sans histoire. Mais maintenant ? Le premier hôpital est bien à une trentaine de kilomètres, voire davantage s’il y a besoin d’un plateau technique très spécialisé.

L’inquiétude est donc du même ordre dans la vallée qu’ailleurs ; on suit les informations à la radio et à la télévision, on prend des nouvelles des enfants et des parents qui habitent en ville. Si Internet fonctionne, on regarde ce qui s’échange sur les réseaux et on y participe.

Là comme ailleurs, l’étranger est parfois regardé de travers ; ce n’est pas propre au coronavirus, d’ailleurs, mais il est certain que la situation sanitaire a des effets négatifs.

La crise du coronavirus est venue après un hiver particulièrement pluvieux : le Derbous n’a pas manqué d’eau ; il a même débordé de son cours habituel et généré des dégâts sur les rives. Ces dégâts, sans rapport avec la pandémie, ont quand même déstabilisé une population vieillissante. 

En somme, ce n’est sans doute pas pire qu’ailleurs, mais rien de réjouissant. Maintenant, évidemment, il reste à espérer…

Castors, le retour…

Dans la vallée du Derbous, on l’a dit, la vie sauvage se porte bien et la diversité des espèces est au rendez vous. Mais la cohabitation avec les humains est parfois difficile.

En particulier, les castors se sont établis voici longtemps dans le Derbous et ils s’y trouvent bien ; ils n’ont pas de prédateurs sérieux et se reproduisent avec entrain. Mais ils ne se contentent pas de coloniser la rivière…

Voici par exemple un moulin, celui d’Aygue-Astaud, présent depuis des temps immémoriaux au même endroit, avec son système sophistiqué d’adduction, de canaux dirigeant autrefois l’eau vers les roues à aubes transmettant la force à un système mécanique.

Comment les pauvres bêtes pourraient-elle comprendre qu’on n’est pas toujours dans le domaine de la nature mais de la gestion de l’environnement et des ressources destinées aux humains ? Elles font donc leur œuvre avec efficacité et, pour tout dire, pas mal de dégâts.

Que peuvent alors faire les propriétaire ?

Biodiversité…

Biodiversité

Comme d’autres biotopes relativement préservés, la vallée du Derbous héberge de nombreuses espèces, qui s’adaptent plus ou moins à la présence humaine et à celle des prédateurs. Un fait étonnant a été observé ce mois de juin : tout à côté du moulin d’Ayges-Astaud, une biche est venue mettre bas un faon, dans le pré jouxtant le canal qui autrefois amenait l’eau à la roue à aubes du moulin. Elle est restée avec son faon pendant plusieurs semaines avant de repartir dans la nature.

Un tel comportement n’avait pas été observé jusqu’ici ; il convient de tenter de l’expliquer. Une première explication est qu’il s’agit d’un hasard, le moulin, encore habité, étant assez calme et plutôt isolé. Il y a cependant un chien de chasse, qui n’a rien trouvé à redire mais dont la présence a certainement été ressentie par la biche.

Une autre explication, plus convaincante à notre avis, est que la biche a choisi la solution qui lui semblait la plus favorable ; sachant que des loups chassent dans la montagne, évitant les habitations, la tentation est grande de penser que l’animal a choisi la sécurité que lui semblait offrir un environnement humanisé, antagoniste des loups.

Comment être sûr ?