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Une nouvelle année dans la vallée du Derbous : 2023

Un canal d’arrivée plein d’eau courante


Ces dernières années ont été riches en évènements préoccupants comme la pandémie de COVID (dont on semble enfin en passe de tourner la page), la guerre en Ukraine (dont on ne voit pas encore comment elle va durer et quelles seront ses répercussions), des réformes imposées (telle la réforme des retraites). Tout ceci sur fond d’inquiétude climatique crédible (réchauffement, canicule…).

La vallée du Derbous n’est pas sur une autre planète. Elle est sujette aux mêmes problèmes que les autres lieux. Mais elle est loin des centres de décision, a une population clairsemée encore proche de la nature et les échos du monde y parviennent un peu assourdis.

Cette année, le printemps a été pluvieux et, contrairement à ce qui se passe dans d’autres régions, la nappe phréatique semble bien se porter si on en juge par le débit de la rivière. Mais cette impression peut être trompeuse, car le débit de cette rivière fluctue sans que les causes de modification de débit soient connues.

Les décisions des humains ont des effets à long terme. Un exemple local est celui des truites. Autrefois, il y en avait une relative abondance, d’une espèce endémique bien adaptée au milieu, appelée ici fario.

Il y a quelques décennies, suite à une baisse des prises, il a été décidé d’introduire une espèce jusqu’ici inconnue dans la vallée : la truite arc-en-ciel, joli poisson vorace.

Mais il a fallu admettre que, ces truites ne se reproduisant pas bien dans les conditions environnementales qui sont les nôtres, cette pratique était à proscrire. Actuellement, il y a un déficit de truites dans le Derbous.

Comment inverser la tendance ? On peut espérer que, si la pêche reste modeste, si l’on n’introduit plus de farios et si le nombre de prédateurs (hérons…) décroît (ce qui semble être le cas), la faune se régénère. Il convient d’être optimistes et patients.

Il serait en tout cas bon d’en revenir, si c’est encore possible, à des situations de régulation locales traditionnelles. On sait, en particulier depuis les travaux de la lauréate du prix Nobel d’économie 2008 Elinor Ostrom (tout particulièrement pour la gestion de l’eau), qu’elles sont plus efficaces que les solutions visant l’optimisation à court terme imposées par des experts ne prenant pas toujours en compte l’ensemble du système.

Il est vrai que ces solutions durables nécessitent que fonctionnent des communautés collectivement intéressées à la bonne gestion de la ressource et connaissant bien le milieu pour y avoir grandi et avoir recueilli l’expérience et les savoir-faire de ceux qui les ont précédées.

Dans la vallée du Derbous, comme ailleurs, la communauté paysanne qui autrefois prenait soin de l’irrigation des cultures n’existe presque plus. Certes, il y a encore des producteurs mais ils sont pour la plupart quasi industrialisés, gérant de grands domaines, les seuls économiquement viables désormais en suivant des méthodes « rationnelles » prônées notamment par les institutions européennes.

Il existe cependant des raisons d’espérer : le bio a bonne presse, il constitue un marché et il séduit certains, d’autant que la population, en particulier l’été, est sensible à cet argument. Une de ses dimensions est celle de la gestion raisonnée de l’eau.

Il serait naïf de penser que les tendances à l’œuvre depuis des décennies vont s’inverser brusquement. Mais il est souhaitable d’espérer.

Références

Ostrom, E., & Basurto, X. (2013). Façonner des outils d’analyse pour étudier le changement institutionnel. Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs14http://regulation.revues.org/10437

La vallée du Derbous au fil du confinement

L’année 2020 n’aura pas été comme les autres, c’est sûr ! Le confinement dans le monde rural au temps de la pandémie de Covid-19 n’a pas la même saveur qu’en ville : il y a de l’espace et on peut se déplacer mieux que dans un appartement.

Bien sûr, il faut aller en ville de temps en temps, ne serait-ce que pour se réapprovisionner. Mais la petite ville n’est pas comme la grande : on se connaît à peu près tous. Il y a eu jusqu’ici très peu de cas locaux de contamination. La situation n’est pas comme dans ces cités anonymes où l’on tend à se méfier des autres, vis-à-vis desquels on n’a pas de lien personnel.

En juillet, des touristes sont revenus et il y a eu une certaine animation dans les rues. Jusqu’au 20, date de l’obligation édictée de porter un masque dans les lieux publics fermés, l’ambiance était bon enfant dans les magasins. Ce sont surtout les personnes d’un certain âge qui portaient le masque, sauf dans les grands magasins qui étaient plus stricts. Tout ceci va bien évidemment changer rapidement, car l’amende pour défaut de port de masque est salée.

La nature, par ailleurs, est toujours là, indifférente à ces histoires de virus qui attaquent les humains. Dans la vallée, à peu près désertée par ces derniers, les animaux se sont enhardis, ils ont pris leur aise, empruntant les voies laissées libres, venant à l’occasion près des maisons.

Les sangliers, en particulier, viennent de temps en temps ravager les jardins, on en a même vu des hardes… Cela fait des années qu’ils représentent un problème, dont on ne voit pas très bien la fin : à chaque saison de chasse, des prélèvements sont organisés, cela limite les nuisances.

C’est pareil pour les loups. On dit qu’il y en aurait plusieurs meutes dans le Ventoux. Mais on les voit peu dans la vallée, tant qu’il y a des troupeaux de moutons dans la montagne.

Les castors, pour leur part, sont toujours la même calamité pour les propriétaires de canaux ou de berges de la rivière. Leur énergie constructive est débordante. Ils sont capables de modifier sensiblement l’environnement, abattant des arbres, déviant les eaux et créant des marais. Il n’est pas certain qu’ils sachent qu’ils sont protégés, mais ils ne craignent pas l’homme.

Ici photo de dégâts de castors

Un exemple de barrage, avec la retenue d’eau en amont

Enfin, des animaux plus sympathiques pour l’espèce humaine semblent bien se porter : on peut croiser des chevreuils et il y a même eu une réapparition constatée de la salamandre.

Une salamandre commune, près du canal d’un moulin

Une salamandre

Finalement, la vie de la nature se poursuit. L’espèce humaine y joue sa partition. Mais, si elle peut lancer de nouvelles dynamiques, ces dernières ne révèlent leurs effets que bien après et il est alors impossible de les modifier rapidement : les temps de la nature ne sont pas ceux des humains.

Comment dès lors réagir face aux problèmes écologiques, alors qu’on opère dans un contexte d’incertitude et, même, de controverses ?