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Pluie et beau temps dans la vallée au temps du COVID…

L’année 2021 restera sans doute associée dans les mémoires, comme l’année précédente, aux vagues successives de la pandémie de COVID 19, aux mesures sanitaires et restrictions de liberté qui les ont accompagnées (couvre-feu, interdiction de voyager au-delà de 10km, port du masque…), mais aussi développement rapide de vaccins fondés sur de nouvelles techniques de génie génétique et espoirs, malheureusement éphémères, de sortie rapide de la crise. La situation, cependant, a été assez différente en ville et à la campagne.


Dans la vallée du Derbous, lieu d’habitat peu dense aux maisons intégrées dans la nature, le cours de la vie en 2021 a été peu différent de ce qu’il est habituellement. Lors de leurs rencontres, par exemple au marché, les habitants ont parlé du COVID mais aussi de la pluie et du beau temps…


L’hiver a été maussade, mais sans froid excessif. Il a beaucoup plu en février, le mois de mars a été clément, mais le gel est venu en avril, compromettant certaines récoltes. Depuis, les températures habituelles sont revenues, la rivière a de l’eau. Tout est vert.

Des loups rôdent toujours, mais il n’y a pas eu cette année d’attaque de troupeau. Les castors, insensibles aux occupations humaines, ont poursuivi leur œuvre de constructeurs aux dépens des habitants.

Côté humain, les choses suivent leur cours. Les touristes sont même revenus, il y a toujours autant de gites ou chambres d’hôtes. Ils sont parfois peu attentifs à la vie rurale et à l’environnement, mais on ne peut trop leur en demander. La nature, de toutes les manières, continue à être relativement préservée. La circulation automobile est normale, toujours limitée à 80 km/h.

Un point d’attention peut cependant être relevé. Des menaces planent sur un des accomplissements humains les plus anciens et les plus utiles, qui a joué un rôle fondamental dans les sociétés humaines : la canalisation de l’eau, que ce soit pour l’irrigation des champs ou pour l’alimentation des nombreux moulins.
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Modeste canal

Outre les canaux qui faisaient tourner ces derniers , le pays est littéralement quadrillé de canaux autrefois entretenus par les paysans qui, moyennant des redevances modiques, avaient des droits d’irrigation par simple gravité faisant l’objet d’un consensus entre eux. Avec la conversion de propriétés agricoles en terrains à bâtir et l’apparition de pompes mécaniques, la situation a changé.

Les systèmes traditionnels sont en déshérence et l’on se demande quelles en seront les conséquences sur la régulation que peuvent exercer les humains sur leur environnement.

Bref, la vallée du Derbous, sans être préservée des malédictions coutumières frappant le monde, continue une existence détendue quoique légèrement inquiète relativement aux évolutions à venir.

La vallée du Derbous au fil du confinement

L’année 2020 n’aura pas été comme les autres, c’est sûr ! Le confinement dans le monde rural au temps de la pandémie de Covid-19 n’a pas la même saveur qu’en ville : il y a de l’espace et on peut se déplacer mieux que dans un appartement.

Bien sûr, il faut aller en ville de temps en temps, ne serait-ce que pour se réapprovisionner. Mais la petite ville n’est pas comme la grande : on se connaît à peu près tous. Il y a eu jusqu’ici très peu de cas locaux de contamination. La situation n’est pas comme dans ces cités anonymes où l’on tend à se méfier des autres, vis-à-vis desquels on n’a pas de lien personnel.

En juillet, des touristes sont revenus et il y a eu une certaine animation dans les rues. Jusqu’au 20, date de l’obligation édictée de porter un masque dans les lieux publics fermés, l’ambiance était bon enfant dans les magasins. Ce sont surtout les personnes d’un certain âge qui portaient le masque, sauf dans les grands magasins qui étaient plus stricts. Tout ceci va bien évidemment changer rapidement, car l’amende pour défaut de port de masque est salée.

La nature, par ailleurs, est toujours là, indifférente à ces histoires de virus qui attaquent les humains. Dans la vallée, à peu près désertée par ces derniers, les animaux se sont enhardis, ils ont pris leur aise, empruntant les voies laissées libres, venant à l’occasion près des maisons.

Les sangliers, en particulier, viennent de temps en temps ravager les jardins, on en a même vu des hardes… Cela fait des années qu’ils représentent un problème, dont on ne voit pas très bien la fin : à chaque saison de chasse, des prélèvements sont organisés, cela limite les nuisances.

C’est pareil pour les loups. On dit qu’il y en aurait plusieurs meutes dans le Ventoux. Mais on les voit peu dans la vallée, tant qu’il y a des troupeaux de moutons dans la montagne.

Les castors, pour leur part, sont toujours la même calamité pour les propriétaires de canaux ou de berges de la rivière. Leur énergie constructive est débordante. Ils sont capables de modifier sensiblement l’environnement, abattant des arbres, déviant les eaux et créant des marais. Il n’est pas certain qu’ils sachent qu’ils sont protégés, mais ils ne craignent pas l’homme.

Ici photo de dégâts de castors

Un exemple de barrage, avec la retenue d’eau en amont

Enfin, des animaux plus sympathiques pour l’espèce humaine semblent bien se porter : on peut croiser des chevreuils et il y a même eu une réapparition constatée de la salamandre.

Une salamandre commune, près du canal d’un moulin

Une salamandre

Finalement, la vie de la nature se poursuit. L’espèce humaine y joue sa partition. Mais, si elle peut lancer de nouvelles dynamiques, ces dernières ne révèlent leurs effets que bien après et il est alors impossible de les modifier rapidement : les temps de la nature ne sont pas ceux des humains.

Comment dès lors réagir face aux problèmes écologiques, alors qu’on opère dans un contexte d’incertitude et, même, de controverses ?

Biodiversité…

Biodiversité

Comme d’autres biotopes relativement préservés, la vallée du Derbous héberge de nombreuses espèces, qui s’adaptent plus ou moins à la présence humaine et à celle des prédateurs. Un fait étonnant a été observé ce mois de juin : tout à côté du moulin d’Ayges-Astaud, une biche est venue mettre bas un faon, dans le pré jouxtant le canal qui autrefois amenait l’eau à la roue à aubes du moulin. Elle est restée avec son faon pendant plusieurs semaines avant de repartir dans la nature.

Un tel comportement n’avait pas été observé jusqu’ici ; il convient de tenter de l’expliquer. Une première explication est qu’il s’agit d’un hasard, le moulin, encore habité, étant assez calme et plutôt isolé. Il y a cependant un chien de chasse, qui n’a rien trouvé à redire mais dont la présence a certainement été ressentie par la biche.

Une autre explication, plus convaincante à notre avis, est que la biche a choisi la solution qui lui semblait la plus favorable ; sachant que des loups chassent dans la montagne, évitant les habitations, la tentation est grande de penser que l’animal a choisi la sécurité que lui semblait offrir un environnement humanisé, antagoniste des loups.

Comment être sûr ?

 

 

L’Homme et les loups…

Les loups et les hommes entretiennent une longue histoire  commune, marquée par la peur car il n’est pas douteux que les loups sont des prédateurs polymorphes, s’attaquant au gibier, au cheptel et même parfois aux humains. Pour en rester à une histoire récente, Molinier et Molinier-Meyer relevaient en 1981 que le XIXe et le XXe siècles ont vu une extermination presque complète des loups en France, puisqu’on est passé d’une population de 5000 à 6000 individus à la fin du XVIIIe siècle à une dizaine en 1923, suite à des campagnes de chasse d’une grande efficacité.

Cependant, à partir de 1992, on a assisté à un retour des loups en France, sous la forme de réimplantation de populations par les autorités. Véronique Campion-Vincent nous rappellait en 2002 que cette introduction a rencontré la faveur du public, sauf bien sûr celle des éleveurs. Cette auteure effectue un chiffrage à plus d’un million de francs d’indemnisation pour l’ensemble alpin en 1998 et remarque que la «  déprise agricole  » laisse des espaces libres pour le prédateur, le problème se compliquant pour les humains si réapparaissent des meutes.

Un rapport récent officiel Plan national d’actions 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage relève que la présence du loup a crû en France depuis 2013 et qu’il concernait, à l’été 2017, 57 zones de présence permanente, dont 52 meutes, les effectifs allant donc en croissant, et s’établissant vraisemblablement dans la fourchette [265 – 402].

«  Sur le plan géographique, la présence du loup concernait 515 communes (dont 271 en présence régulière) réparties dans 25 départements fin 2012, à comparer à 846 communes (dont 448 en présence régulière) dans 33 départements, fin 2016. L’indicateur de suivi géographique traduit donc une expansion de l’aire de présence sur la période considérée  » (p. 6).

 

Le texte rappelle les mesures d’encadrement des prélèvements (40 pour 2017-2018) et annonce une série assez précise d’actions et de mesures comme la conditionnalité des indemnisations après attaque,  la mise en place de mesures de protections, d’une «  filière de qualité  » pour les chiens de protection…  Le journal Le Monde du 19 février 2018 présente une synthèse expliquant pourquoi «  Cet exercice d’équilibriste ne satisfait ni les associations ni les éleveurs, qui le rejettent en bloc  »  Voir.

Dans les Baronnies, les indices de présence du loup  sont certains. Récemment, la Tribune (Nyons, Vaison, Valréas) a consacré (le 22 février 2018) un dossier relativement inquiétant à la question du plan Loup et a relaté une attaque récente de chien de compagnie tout près d’une habitation.

Mais que faire  ? Il conviendra de suivre attentivement l’évolution de la situation.

Références

Campion-Vincent, V. (2002). Les réactions au retour du loup en France. Une tentative d’analyse prenant «les rumeurs» au sérieux. Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, 30(30), 11‑  52. https://doi.org/10.3406/mar.2002.1759

Molinier, A., & Molinier-Meyer, N. (1981). Environnement et histoire: Les loups et l’homme en France. Revue d’histoire moderne et contemporaine (1954-), 28(2), 225‑  245. Consulté à l’adresse http://www.jstor.org/stable/20528657

 

Patrimoine naturel, sangliers et humains

Le sanglier est un animal forestier dont le porc domestique est une sous-espèce.

Wikipedia nous informe (https://fr.wikipedia.org/wiki/Sanglier) qu’il n’a que 36 chromosomes contre 38 pour le cochon mais que, pourtant leur descendance croisée est fertile. On appelle alors leurs descendants cochongliers. Les sangliers sont omnivores, fouisseurs, nocturnes et grégaires : ils évoluent en hardes. Leur période de rut s’étale d’octobre à janvier et la gestation dure environ 110 jours. La femelle peut donner naissance à un nombre de petits entre 2 et 10. L’espèce est donc prolixe.

Pour les humains vivant à la campagne, elle pose des problèmes nombreux : sols retournés, potagers saccagés… Dans la vallée du Derbous, aimable zone forestière, ils se plaisent et se multiplient, au point que les chasseurs sont parfois autorisés, à certaines périodes, à faire des battues administratives.

Devant la porte, ils sont passés dans la nuit…

Que faire alors ? La chasse offre des éléments de solution, quand il y a une association de chasseurs cohésive. Mais c’est toujours une solution partielle …

Patrimoine historique et relations humains-castors

Le castor est un rongeur aux moeurs aquatiques, c’est indéniable.  Dans le passé, il fait l’objet de chasses sans merci. Sa fourrure était recherchée, ainsi que sa sécrétion de “castoreum”, sorte de panacée au moyen âge, censée guérir à peu près tout.

Le castor était aussi un mets de choix et sa queue, paraît-il, était considérée comme du poisson, donc mangeable les jours maigres1.

Ces temps sont maintenant bien révolus. Le castor est protégé.

Il a été réintroduit il y a une vingtaine d’années dans le Derbous et s’est très bien acclimaté, travaillant de manière efficace à construire des barrages, en abattant des arbres de manière impressionnante.

Ce sont des bâtisseurs remarquables ; d’après le livre de référence cité plus haut :  « il faut environ une semaine à une famille de castors pour construire un barrage de 10 mètres de longueur » (p. 293) ; un saule de 8 cm de diamètre est coupé en 5 minutes (p. 295) et un castor adulte, en captivité peut consommer jusqu’à 7 mètres cube de bois par an  (p. 296). Ils sont donc capables de modeler les paysages.

En milieu rural, un problème de cohabitation avec les humains se pose donc.  Ici, le pays comporte nombre de canaux servant à l’irrigation des terres cultivables et à l’alimentation des moulins.

L’entretien de ces canaux incombe aux propriétaires des terrains :  ils ont le droit de détruire les barrages des castors quand ces derniers construisent des ouvrages dans leurs canaux, perturbant leur alimentation en eau ; c’est en revanche interdit dans le Derbous, cours d’eau naturel.

Un exemple de ravage aux berges du canal

Mais une telle réponse n’est pas efficace : les animaux, peu au fait des lois humaines et de la distinction entre une rivière et un canal, reconstruisent, coupant d’autres arbres et, en cas de besoin utilisant d’autres matériaux.

Ceci n’est pas un crayon taillé, mais un arbre coupé…

 

Faute de branches, lls ont recours à des expédients

Que peuvent faire les habitants ?

1 Grzimek, B. (dir), 1975. Zurich, Stauffacher, Le monde animal en 13 volumes, Tome 11, p. 298 et sq. ISBN 3 287 00203 I